Le blues des artisans de l'athlétisme français
Une médaille en moyenne depuis trois rendez-vous olympiques : l'athlétisme français déçoit. Et pas seulement le téléspectateur. Sa base, aussi, est désabusée. Resserrer le mode de sélection, obliger l'élite à se rendre aux championnats de France ou à participer aux relais des équipes nationales : les mesures envisagées par la Fédération française d'athlétisme (FFA) font sourire les éducateurs. Pour eux, le diagnostic est bien plus simple : "Il n'y a aucune détection, l'athlétisme n'est plus pratiqué à l'école et la fédération néglige ses clubs", entend-on le plus souvent.
"Une enquête de la ligue de Bretagne sur 100 benjamins qualifiés aux régionaux de cross avait indiqué qu'il n'en restait que deux dans la catégorie junior", se souvient Serge Leroy, président du Lille-MétropoleAthlé. Quant à la culture relais, elle n'existe plus en France. Dans le Nord - Pas-de-Calais, deuxième ligue française, les meilleurs clubs ne participent plus aux championnats régionaux de relais.
La tâche est rude pour Jean-Claude Bourdon, responsable des jeunes, du monde scolaire et universitaire, à la FFA. Formateur réputé, le Picard fut propulsé à la direction technique nationale (DTN) suite au zéro médaille des Jeux de Sydney en 2000. Dans son collège Jean-Marc-Laurent, à Amiens, il avait révélé 38 champions de France. " A l'époque, on avait l'impression que la fédération estimait pouvoir se passer du monde scolaire", se souvient-il. Huit ans après, le constat demeure le même si l'on questionne les clubs de province. "La fédération se désintéresse de sa base", assène au téléphone Colette Merrien, institutrice retraitée, responsable avec son mari de l'école d'athlétisme de Capbreton, dans les Landes. On entend, derrière elle, des bruits de marteau : "mon mari fabrique du matériel pour transporter des poids et disques".
Roger Merrien a bouclé une carrière de professeur d'EPS au lycée d'Aiguillon, en Lot-et-Garonne. Trois de ses élèves furent champions du monde scolaire. "Ici, nous vivons en autarcie : nous apportons nos cotisations à la "fédé" et n'avons aucun retour en matériel ou idées. Je suis consterné : rien n'existe verticalement entre nous et la fédération."
M. Merrien donne un exemple récent : "J'ai deux jeunes qui partent en sports-études : nous sommes obligés de leur fournir trois perches. Nos finances l'interdisent. Le perchiste Adrien Martin (5,05 m en junior 1) signera donc à Bordeaux. Cela ne me dérange pas, à condition d'avoir un retour. Je pense aux jeunes entraîneurs qui travaillent avec des bouts de ficelle."
A la DTN, les talents de "pépiniéristes" des Merrien ont cependant été repérés. "On nous annonce la venue de M. Bourdon lors de notre stage de formation, du 9 au 14 septembre. Je suis étonné : notre travail est modeste et artisanal !", explique l'éducateur.
Jean-Claude Bourdon rend hommage au couple landais : "Nous allons expérimenter leur action. Je veux créer une sorte de pédiatrie de l'athlétisme. Un outil a déjà été créé à partir de leurs inventions. C'est Cap Athlétisme. Cela fait partie de ce que nous diffusons dans notre nouveau DVD Planète Athlé."
L'idée est de partir à l'encontre de ce qui était fait jusqu'à présent. "En voulant concurrencer les sports qui prennent les enfants jeunes, tels le judo ou la gym, on a eu le tort de miniaturiser l'exercice. Mon combat a été d'adapter au contraire notre sport à l'enfant. On a mis quatre ans pour faire des DVD destinés aux moins de 16 ans, aux moins de 12ans" , précise M. Bourdon.
L'entraîneur national du poids, Michel Tranchant, reste dubitatif. "En France, on aime les colloques et la théorie. C'est bien beau de donner des CD-Rom, ou du matériel. Encore faut-il former les instits à leur utilisation ! De même, on me demande de donner en une seule journée aux entraîneurs de club ce qu'on apprend en vingt ans !, s'emporte M. Tranchant. On a filmé tous les lancers à Pékin mais c'est inutile d'envoyer le CD si on ne va pas cet hiver partout en province analyser ces images avec les coaches. Nous avons 100 cadres techniques en France pour l'athlétisme : les autres pays nous envient. Mais qu'en fait-on ? On emmène de moins en moins de jeunes en stage."
Pourtant, l'athlétisme est partout au programme : brevet, bac, concours de police, de gardien de prison... "On demande de courir un 1 500 m, mais on ne pratique pas pour autant", regrette M. Bourdon.
Faute de détection, les champions actuels sont souvent venus par hasard à l'athlétisme. Jérôme Baudson, responsable de l'école d'athlétisme de l'US Tourcoing, a débuté à Reims. "J'y ai fait mon service civil avec le futur champion d'Europe du 50 km marche Johann Diniz. Il a découvert sa spécialité parce que nous avions besoin d'un marcheur aux interclubs de moins de 23 ans", raconte-t-il. Hasard aussi pour le champion de France 2008 du 100 m, Martial Mbandjock. Il jouait au basket au collège Saint-Vincent de Loos. Comme il manquait un relayeur pour les interclubs scolaires, son prof et entraîneur de basket le récupéra et remarqua sa vitesse. Il l'envoya alors à l'ASPTT Lille - mais il était déjà junior !
L'équipe Bourdon a donc inventé l'opération "Urbanathlé" : un outil de détection mis en place dans les quartiers peu favorisés, proposant trois épreuves en une heure, avec les cadres techniques régionaux. Une opération de ce genre a testé 2 000 enfants à Lens, à La Gaillette, le centre de formation du club de football du RC Lens. "Cela existe depuis un an, on ne connaît pas encore les résultats, admet M. Bourdon. Nous sommes sans doute en fin de cycle de l'élite française actuelle : il faut repartir de la base. Restera le problème de stratégie et de suivi." Remonter la pente d'ici aux Jeux olympiques de 2012 semble en tout cas un pari difficile.
Geoffroy Deffrennes
Chiffres:
EPS : les heures hebdomadaires d'éducation physique et sportive (EPS) dispenséesà l'école : 4 heures en 6e, 3 heures en 3e et 2 heures au lycée. En théorie, 3 heures par semaine sont dispensées en primaire, mais bien moins dans les faits.
Les heures consacrées à l'athlétisme dépendent du projet d'établissement, mais le nombre d'heures a tendance à diminuer.
En Staps : le temps consacré à l'enseignement de l'athlétisme a été divisé environ par deux en vingt ans. En fonction des options choisies par les étudiants, le volume durant les études varie de 6 à 40 heures.
Licenciés : dans la ligue Nord-Pas-de-Calais, leur nombre est passé de 10 863 en 2000 à 9571 en 2006. Chez les juniors, il a reculé de 576 à 462 .
3 commentaires:
He bien quel cachotier ce Balbuzard !!
Un nouveau blog Drouais....
Et oui Jean Bruck c'est une vielle histoire ...
Du temps du maire Cauchon, Bruck s'occupait déjà municipalement du stade de dreux....(vers 1970)..
Mon pére employé municipal menuisier ne l'appréciait pas trop car il était exigent et les travaux au stade devaient passer avant les autres.......
Mais non...Pierlouim...Balbuzard est toujours mon blog perso...mais ici "je suis un peu de la famille",en collocation si tu aimes mieux et le loyer étant raisonnable,je vais en profiter un peu..hum hum..!!! (je souffle sur mes ongles )
A bientôt
Il est cher le loyer ?..
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